
Sidi Toui ou Ettouey, Eco spiritualité
Après deux heures de routes caillouteuses, sur un reg sec et aride, nous parvînmes à grimper au sommet de la montagne où perchent le marabout et la mosquée de Oummi Routtila. De ce sommet impressionnant, pour des habitués aux plaines, la vue s'étendait sur des dizaines de kilomètres et les dizaines de tentes et la centaine de voitures des fidèles visiteurs, s'éparpillaient à nos pieds.
A quelques kilomètres de la frontière Libyenne, l'emplacement de ce lieu de pèlerinage pour les Rbaiyaa et les Touazines, se trouve au milieu du parc national de Sidi Toui, dont les deux accès sont contrôlés par des gardes forestiers.
Au fond de la mosquée, un passage sous terrain, aux marches irrégulières descend dans la montagne avec des aires de repos juste suffisants pour quatre personnes. La descente n'est possible que pour un individu à la fois, et je fus aussitôt interpellé avec force par un rythme de Bendir irrésistible. Arrivée à l'intérieur de la grotte, à une trentaine de mètres sous la montagne, des hommes et des femmes dansaient autours de grands cercueils de la Sainte Routtila et sa fille. Sous la lumière nécessaire et suffisante d'une centaine de bougies placées dans les murs de la grotte, je pouvais distinguer le grand noir qui tapait frénétiquement sur le Bendir et commandait ainsi, la cadence de l'ambiance. J'étais figé d'extase, d'illumination et de désincarnation de moi même, je ne sentais plus mon corps ni mon être, car j'étais pris dans le rythme et accrochés aux mots et cris qui percutaient contre le toit assez bas de cet espace. Un petit danseur et une femme assez énergique, se relayaient les incantations et les lamentations.
Je me suis réveillé de mon aura, quand le petit homme commença à réciter les supplications d'avant la fatiha " Dieu fasses qu'il pleuve, "Amin", Dieu fasses, que nos prairies verdissent et nos arbustes fleurisses,"Amin", Dieu fasses que nos tribus et nos troupeaux vivent en paix,"Amin", Dieu fasses que nos offrandes et notre sacrifice soient acceptés, Dieu fasses, que notre pèlerinage à Ommi Routtila et les Quatorze Saints de cet endroit, emmène des pluies déluviennes et l'opulence à nos contrées, "Amin"....
En bas de la colline, un ami nous expliqua que les douze tentes appartenaient à un même nombre de grandes familles de Rbaiyaa et dans un rapport de soumission avec les Touazines, qui devaient fournir le taureau pour l'offrande, invitaient ses derniers dans les tentes dans un rite de subordination et de soumission. D'ailleurs dés que les feus de nos voitures ont été repairés descendant d'en haut vers le campement, des gens accoururent pour nous dénombrer et nous faire subir le rite, mais quand ils surent que nous sommes des Akkara, ils nous ont apportés les grands plats sur place.
Tout de suite après avoir mangé le bon couscous, nous avons été attirés par un grand tapage de jeunes dévergondés qui faisaient une Hadhra très bruyantes et animées. J'ai pris mon Bendir et me suis dirigé vers eux. Sans me rappeler les circonstances, je me suis trouvé au milieu du groupe dans une danse frénétique avec des mouvements démoniaques et des cris sauvages que nous échangions comme des cannibales sur excités. Heureusement, quelques jeunes me repoussaient chaque fois que je m'approchais des grands feux allumés autour de nous. Tout en sueur, je ne me suis arrêté que quand les Bendirs ont nécessité un léger réchauffement sur le feu pour mieux résonner.
De retour prés des voitures, les Rbaiyaa, maîtres de la place, nous envoyèrent un groupe de jeunes portant des chechs blanc cachant leurs visages, avec un flûtiste, pour animer notre campement et notre grand feu, et la danse reprit son rythme ascendant vers le créateur, sans les mots, seulement avec le son, le mouvement, les cris du ventre et la fusion totale dans le kairos.
Tout autour, prés de chaque voiture et chaque tente, sous les lumières de chaque feu, des corps et des hombres d'hommes et de femmes dansaient, dans un appel de foi, un appel de sagesse, un appel de soumission, au créateur, pour arroser les prairies et perpétuer la vie. D'après ce que j'ai peu comprendre, ici, on ne se soucie de l'homme que comme un élément de la nature et du cycle de la vie.
Par gentil hasard, ce jour de pèlerinage était mon anniversaire, et la providence ne pouvait m'offrir de mieux, que cet immense plaisir.
Le lendemain, la pluie tomba sur la région, pour de bon, et les oueds distribuèrent les eaux de la montagne sur les plaines. J'ai aussitôt dansé de gratitude, pour Sidi Ettouey, pour Oummi Routtila, pour touts les Saints connus, pour les Saints inconnus, pour touts les sages de la terre et pour le créateur le tout puissant.
Lihidheb mohsen
Eco artiste
4170 Zarzis Tunisie
le 04 Nov.2006
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